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Qui sommes-nous ?

Publié dans Accueil

Le CR 34 de l’AISLF vise à animer un réseau de chercheurs en sociologie francophone sur le thème de l’intervention sociale et des politiques sociales. Il organise des manifestations (colloques, séminaires) et réalise des publications collectives. Porteur d’une histoire et riche d’échanges noués depuis de nombreuses années, il se veut ouvert aux chercheurs confirmés comme aux jeunes chercheurs et, dans le respect des traditions de la recherche des différents pays, aux chercheurs des sciences sociales, des disciplines académiques du travail social et aux praticiens-chercheurs.

 

L’intervention et les politiques sociales désignent les modes d’action de la puissance publique au cœur d’institutions, privées ou publiques, habilitées à intervenir sur les problèmes qui mettent à mal les processus de régulation sociale.

Alors que la crise démultiplie et aggrave les problèmes sociaux traditionnels, et que de nouveaux problèmes sociaux se font jour, ces modes d’action sont réinterrogés à la fois dans leurs principes, leurs méthodes et leurs moyens : désengagement relatif de la puissance publique, décentralisation, territorialisation, privatisation sinon marchandisation de l’intervention, rationalisation managériale, multiplication des dispositifs ad hoc, affaiblissement des logiques professionnelles, individualisation, évaluation, etc.

L’objectif du CR 34 est de comprendre ces mutations en cours dans les sociétés occidentales, dans les pays émergents ou du Sud.

Intervention et politiques sociales se caractérisent traditionnellement par leur grande sensibilité à la conjoncture économique et sociale, aux transformations structurelles des sociétés et des modes de vie, et par la permanence de leurs orientations normatives et de leurs modèles d’action. Ce qui revient à dire que leurs modèles ont une certaine capacité à absorber le changement sans se dénaturer et à se développer selon leur propre logique interne. Cette situation est sans doute aujourd’hui en train de changer.

La crise qui frappe les diverses économies et ensembles régionaux, notamment les pays occidentaux démultiplie et aggrave les problèmes sociaux traditionnels, ceux des familles, des ménages et des personnes en difficultés du fait notamment de la perte de revenus issus du travail ou du patrimoine, des problèmes d’addiction, des violences familiales, de l’isolement. Mais de nouvelles questions sociales ou plus concrètement de nouveaux problèmes se font jour. Ceux-ci tiennent plus à l’évolution générale de nos sociétés. S’ils diffèrent sensiblement d’un pays à l’autre, ils offrent également beaucoup de similitudes. Ils s’inscrivent dans la réalité sociale des sociétés de la modernité avancée et réflexive alors qu’un sentiment diffus de vulnérabilité et d’insécurité se développe, qu’une nouvelle temporalité des cycles de vie modifie les repères et les pratiques, que les mouvements transnationaux s’intensifient consécutivement à la globalisation. On peut mentionner, sans prétention à l’exhaustivité : les difficultés d’insertion des jeunes, la multiplication des salariés pauvres, la réapparition de la question sans domicile, la précarisation des femmes seules chargées de famille, le grand vieillissement et les antagonismes intergénérationnels, la fragmentation de l’espace public, le « problème des banlieues », les violences consécutives aux affirmations culturelles sinon ethniques, la question des résidents clandestins, etc.

Ces problèmes s’exacerbent dans un univers institutionnel profondément déstabilisé. Dans un contexte de transformations de l’Etat, la délimitation de l’intervention sociale par la sphère de la puissance publique devient ou redevient un objet de débat et de controverse. Sur des nouveaux terrains tels que ceux de la grande pauvreté ou des violences urbaines, les associations peuvent jouer un rôle moteur, avec ou sans financement de la puissance publique : c’est notamment le cas au Québec, au Royaume-Uni, en Europe du sud. Partout, la transformation des orientations normatives et l’évolution des modes de gestion des institutions, y compris des associations, réinterrogent les catégories établies des publics, usagers ou ayants droit. Au-delà, la nature de l’intervention éducative, curative, palliative, ou encore les modalités de l’intervention semblent se décliner autour de ces nouveaux maîtres mots que sont l’individualisation, le projet, l’accompagnement, la proximité. Cette évolution affecte en retour les acteurs de l’intervention, les travailleurs sociaux professionnels canoniques déstabilisés dans leur identité, les intervenants aux profils multiples et aux qualifications et compétences variées et variables, les bénévoles aux attentes renouvelées et aux engagements renégociés… Sans compter les contrecoups relatifs au fonctionnement du marché du travail, aux institutions de prise en charge de la non activité, à la rationalisation des soins tant ambulatoires qu’hospitaliers, aux vicissitudes de la santé mentale, aux difficultés d’intégration scolaire, aux ségrégations urbaines et spatiales.

Ceci, et c’est là le changement essentiel, dans un champ où les modes d’intervention définissent autant les problèmes qu’ils y répondent, alors que les politiques sociales et les modèles d’intervention sont eux aussi réinterrogés à la fois dans leur principes et dans leurs méthodes et leurs moyens : : désengagement relatif de la puissance publique, décentralisation, privatisation sinon marchandisation de l’intervention, rationalisation managériale, multiplication des dispositifs ad hoc, affaiblissement des logiques professionnelles, individualisation, évaluation, etc. Ils le sont consécutivement à une réévaluation des principes de solidarité et de responsabilité. Plus globalement, l’Etat social se trouve littéralement métamorphosé, par-delà les formes qu’il a prises dans les différents pays.

Toutes ces évolutions sont ambivalentes sinon ambiguës. Elles présentent de nouvelles opportunités de respect des identités, de reconnaissance, de participation, de valorisation voire d’émancipation. Elles comportent aussi des risques pour les individus renvoyés à leur responsabilité et à leur solitude. Des individus sans appui collectif pour maintenir leur identité et soumis à des injonctions parfois irréalistes mais culpabilisantes et paralysantes.

Dès lors s’ouvre une période de triple incertitude : incertitude quant à la nature et la gravité des problèmes qui mettent à mal le lien social, incertitude quant aux orientations normatives et aux modalités de l’action, incertitude quant aux effets des nouvelles pratiques et des modes d’intervention.

Le diagnostic rapidement établi ci-dessus constitue pour nous une base de réflexions qui doit être affinée en fonction des traditions nationales et politiques, des idéologies de référence, des contextes nationaux et locaux, des rapports de forces et des diverses conceptions et modes de gestion de l’Etat social. Sans prétendre à l’exhaustivité, ce diagnostic offre des pistes pour comprendre les difficultés auxquelles est confronté le champ de l’action et de l’intervention sociales dans les sociétés occidentales et les difficultés d’une régulation minimale des questions sociales dans les pays émergents ou du Sud.

Dans les divers pays qui ont développé l’intervention sociale comme un champ du politique et un segment des politiques publiques, formé des professionnels, les traditions de formation et de recherche diffèrent : la diversité s’observe pour les disciplines qui ont plus particulièrement investi ce champ ; en sociologie, elle concerne aussi les modèles théoriques plus particulièrement adoptés pour appréhender les problèmes et les modes d’intervention. Peu de domaines ont sans doute autant suscité la mobilisation de paradigmes différents - fonctionnaliste, interactionniste, ethnométhodologique, structuro-génétique, critique. L’intervention et les politiques sociales ont également intéressé nombre de sous-champs disciplinaires tels que la sociologie de la déviance et du contrôle social, la sociologie des organisations et de l’innovation, la sociologie des professions et des institutions et suscité maintes controverses aussi affirmées, notamment sur le travail social, sa finalité et ses méthodes, même si le débat s’est quelque peu feutré depuis lors…

On voit bien ainsi l’intérêt de confronter des analyses sur des situations différentes et la nécessité de comparaisons internationales. De même, perçoit-on l’intérêt de démultiplier les approches, de confronter les paradigmes et d’en évaluer la pertinence en fonction des questions posées. On voit également, l’intérêt d’organiser la confrontation des chercheurs et des praticiens pour peu que ceux-ci s’engagent, comme c’est souvent le cas des travailleurs sociaux formés à ou par la sociologie, dans un travail réflexif sur leur pratique. C’est une condition de renouvellement du regard qu’entend apporter le CR 34.

Ses thématiques privilégiées se dégagent de l’analyse qui précède :

  • Genèse et transformation de la question sociale ou plus fondamentalement analyse des conditions de la requalification d’un problème social en une question sociale mise à l’agenda du politique.
  • Confrontation et analyse des idéologies et des systèmes référentiels du champ, analyse critique de leurs concepts fondateurs sensiblement différents selon les pays et les traditions : démocratie participative, justice, égalité, solidarité (communautaire ou républicaine), responsabilité, risque, sécurité, vulnérabilité, etc.
  • Transformation du système et des dispositifs institutionnels de la prise en charge de la question sociale, orientation normative, organisation, gestion, délégation au secteur privé non lucratif ou lucratif, constitution d’un tiers secteur contribuant à la transformation de l’Etat social et ses dispositifs de prise en charge, articulation avec les autres grandes fonctions collectives : formation, santé, travail, sécurité publique, habitat, etc.
  • Evolution des systèmes d’acteurs au sein des institutions. Analyses menées auprès des professionnels, des bénévoles/militants : professionnalisation, qualification, éthique et déontologie, évolution des statuts, formation, professionnalité, organisation professionnelle, identité.
  • Evolution des systèmes d’action, des techniques, des méthodes, des outils, des procédures avec leurs fondements théoriques et pragmatiques.