Congrès AIFRIS 2017

Séminaire Groupe Thématique « Professionnalisations de l’intervention sociale » AIFRIS /CR 34 AISLF Congrès AIFRIS 2017 – Montréal

Jeudi 6 juillet 2017 14h 17h

Genèse du séminaire organisé lors du congrès 2017 à Montréal

L’initiative de cette manifestation vient du groupe thématique de l’AIFRIS portant sur les : «Professionnalisations de l'intervention sociale ». La proposition consistant à faire se rencontrer les centres d’intérêt GT avec ceux du CR34 AISLF à l’occasion du congrès de Montréal lors de la séance spécifique du groupe thématique « professionnalisations ».

L’idée d’organiser une séance de type « séminaire » a été proposée au CSP de l’AIFRIS réuni le 4 octobre à Paris afin de consolider la dynamique du groupe d’une part et d’accroitre sa mise en visibilité d’autre part. Le CSP de l’AIFRIS en a validé le principe.

Par ailleurs, à l’issue du congrès de l’AISLF (Association internationale des Sociologues de Langue française), qui s’est tenu en juillet 2016 à Montréal et auquel quelques membres du CSP de l’AIFRIS ont participé (Annie Fontaine, Philippe Lyet, Jean François Gaspar, Yvette Molina), une proposition a été suggérée au Comité de recherche 34 (CR 34) de l’AISLF dont la thématique est « Intervention et politiques sociales ». Cette proposition a été validée par le bureau du CR 34 de l’AISLF en

Ce projet était porté par les deux copilotes du GT « Professionnalisations » AIFRIS, membres du CSP (Françoise Tschopp, Yvette Molina) et deux autres membres du CSP Jean François Gaspar et Philippe Lyet. Jean François Gaspar et Yvette Molina étant également membres du bureau du CR 34 de l’AISLF.

Problématique du séminaire de recherche

Le séminaire de recherche proposé par le groupe thématique de l’AIFRIS « Professionnalisations de l’intervention sociale » avait pour objectif de mettre en perspective des travaux récents et de portée internationale sur des questions soulevées par les enjeux des processus de professionnalisation confrontées aux transformations multifactorielles auxquelles sont exposées les travailleurs sociaux/les intervenants sociaux (Molina 2016 ; 2013 ; Fourdrignier, Molina et Tschopp 2014).

Cette mise en perspective trouvait son intérêt dans un congrès international afin de mieux appréhender les recouvrements et/ou les différenciations selon les contextes nationaux et la compréhension de chacun du concept de professionnalisation. Le groupe thématique s’appuyant sur un réseau de formateurs/enseignants/chercheurs qui a pour objectif de mutualiser et de valoriser les travaux portant sur les questions de professionnalisation dans le champ de l’intervention sociale.

L’usage du concept de professionnalisation bien que largement présent dans de nombreux travaux portant à la fois sur le monde du travail ou de la formation, se présente comme fortement polysémique. Une littérature abondante existe traversant différents champs disciplinaires tels que la sociologie ou les sciences de l’éducation. Le questionnement se situe dans un axe de recherche mobilisant quatre acceptions ou catégories proposées par des auteurs aux champs disciplinaires complémentaires (Demazière et alii 2012). La première relève du registre politique ou administratif concernant l’emploi ou le statut professionnel. Il s’agit de produire des formations et des formés dans une visée normative rassemblant sous un même groupe professionnel un ensemble de tâches pour un marché de l’emploi. La seconde catégorie s’inscrit dans sa dimension culturelle ou identitaire sur le plan collectif et individuel. L’activité de travail et ses conditions de mise en œuvre sont ici explorées. La troisième interroge la sphère pédagogique et cognitive. En d’autres termes elle se réfère à la production et à la transmission des savoirs et leur reconnaissance. Enfin une quatrième catégorie se rapporte à la gestion ou dit autrement, au management. Il s’agit plus spécifiquement de se pencher sur les demandes, les exigences, les injonctions, par ceux qui exercent un contrôle sur le travail. Ces quatre catégories ainsi identifiées constituent une grille de lecture pertinente afin d’analyser les processus de professionnalisation dans leur dynamique et situent l’enjeu central de ce concept à la fois sur : la définition du travail et/ou de la formation, des temporalités complexes, et enfin des rapports sociaux entre les acteurs concernés.

L’objectif du séminaire proposé vise à mettre en débat ces différentes pistes de compréhension du concept de professionnalisation au regard des recherches en cours sur la scène internationale de la francophonie. Il s’agit d’une autre façon d’interroger la pertinence du concept pour analyser les transformations de l’intervention sociale sous l’angle des quatre approches proposées et d’en explorer de nouvelles.

Organisation du séminaire et intervenants

14h - 14h 15 : Ouverture séminaire par Françoise Tschopp et Yvette Molina (coresponsables du Groupe Thématique « Professionnalisations de l’intervention sociale » AIFRIS)

14h 15 – 14h 45 : Un cadrage théorique sur les processus de « Professionnalisations » : Yvette Molina (France), Sociologue, Institut de Formation sociale des Yvelines et chercheure associée au Centre Maurice Halbwachs (CNRS-ENS-EHESS) Auteure de nombreuses publications sur les processus de professionnalisation dans le secteur social et médico- social : https://cmh.ens.fr/Molina-Yvette  

14h 45 – 16 h : Présentation de trois recherches en cours ou réalisées

Jean-François Gaspar, Sociologue, Maître-assistant Haute École Louvain en Hainaut & Haute École Namur-Liège-Luxembourg, Responsable du CÉRIAS Recherche, Membre associé du Centre européen de sociologie et de science politique (Paris : équipe CSE) & Harmony Glinne, Docteure en sciences économiques et de gestion, Maître-assistante Haute école Louvain en Hainaut & Haute École Namur-Liège-Luxembourg, responsable du CÉRIAS Consultance

Les « groupes à risque » de travailleurs sociaux : indicateur d’une professionnalisation fragile ?

Résumé : Une recherche en cours en Belgique francophone met en évidence l’impact des mutations récentes du travail social sur les travailleurs sociaux les plus « fragiles » : ceux qui sont définis légalement et/ou sectoriellement comme faisant partie des « groupes à risque ». Prenant distance aussi bien avec ces catégories de la pensée d’État (Bourdieu, 2012), qu’avec celles produites par les secteurs professionnels, nous nous centrerons particulièrement sur les « travailleurs qui sont en contact direct et permanent avec les usagers ». Les difficultés qu’ils rencontrent dans leurs pratiques et les risques qu’ils encourent apparaissent directement liés à leur position, en première ligne, au côté des usagers (Glinne, Latiers, 2016), dans des métiers, mal et peu reconnus, aux « frontières floues et fluctuantes » (Gaspar, 2012). Au plus bas dans la division sociale du travail social, ils ne semblent pas disposer de « supports » (Castel) suffisants pour se protéger des risques encourus.

La réflexion présentée est revenue sur les raisons de cette insuffisance, renvoyée à plusieurs facteurs : 1) la faiblesse, voire l’inadaptation, des dispositifs légaux et/ou mis en place par les organisations pour les soutenir ; 2) la - relative - méconnaissance qu’eux-mêmes, leurs employeurs, leurs représentants syndicaux ont de ces dispositifs 3) Les tensions, les luttes, les concurrences avec les professionnels proches - tensions entre « métiers humbles » d’une part, et entre « métiers humbles » et « professions prétentieuses » (Hughes, 1996 [1971]) d’autre part, rendant ainsi difficiles les solidarités professionnelles 4) Les effets de la Nouvelle Gestion Publique (Bellot, Bresson, Jetté, 2013) dans l’organisation des services sociaux - bref, autant de questions qui ont partie liée à leur « professionnalisation ».

Morgane Kuehni, Haute école de travail social et de la santé, HES-SO, Lausanne (Suisse)

Les dynamiques de professionnalisation dans le travail éducatif : territoires, valeurs professionnelles et dilemmes éthiques

Résumé : Dès le début des années 2000 dans le canton de Vaud, le domaine du handicap a connu d’importantes transformations suite à la dénonciation de mesures de contraintes dans les institutions socio-éducatives et l'introduction d'une nouvelle loi portant sur l'accompagnement des personnes en situation de handicap (LAIH, 2006). La contribution a reposé sur une recherche réalisée auprès du personnel éducatif qui travaille avec des personnes en situation dites complexes, soit qui cumulent une situation de handicap et des troubles psychiques. L’analyse s’est basée sur une étude documentaire et des entretiens avec les directions de six grandes institutions actives dans le canton, ainsi que 42 entretiens menés avec des professionnel-le-s qui travaillent au quotidien avec des personnes en situation complexe.

Les situations complexes des personnes en situation de handicap et les modalités de leur gestion institutionnelle cristallisent certains enjeux clés du travail éducatif : elles introduisent de nouvelles formes de collaboration entre le domaine social et médical, elles interrogent les valeurs professionnelles et modifient certaines pratiques. Sur les lieux de travail, les situations complexes mettent les équipes à rude épreuve notamment parce qu’elles font l’objet d’une attention soutenue de la part de l’Etat et des directions d’institutions, mais aussi qu’elles introduisent de nouvelles techniques potentiellement en conflit avec une perspective éducative clinique adossée à un savoir professionnel construit dans l’accompagnement quotidien. Mobilisant un questionnement interactionniste, cette communication a permis de montrer que la prise en charge des situations complexes est au cœur d’enjeux politiques et institutionnels sur les manières de soutenir, d’encadrer ou encore de contrôler les pratiques professionnelles. Les transformations récentes de ce champ professionnel ont un impact très clair sur les dynamiques de professionnalisation, et également sur les valeurs et les dilemmes éthiques auxquels sont confrontés les équipes éducatives au quotidien.

NB La loi sur les mesures d'aide et d'intégration pour personnes handicapées (LAIH) a été adoptée le 10 février 2004 et entre en vigueur le 1er janvier 2006 dans le canton de Vaud.

Louise Carignan, Professeure chercheure à l’Université de Québec à Chicoutimi et Philippe Lyet, sociologue, responsable du Centre de Recherche de l’ETSUP Paris

L’impact des référentiels et de la nouvelle gestion publique sur la professionnalisation des travailleurs sociaux : Réalité ou Illusion ?

Résumé : Une recherche conduite par le Groupement de recherche d’Ile de France et l’Université du Québec à Chicoutimi s’est interrogée sur l’impact de la réforme du diplôme d’Etat d’assistant de service social et de l’introduction des référentiels professionnels au Québec, sur la professionnalisation des travailleurs sociaux. La méthode retenue consiste en la réalisation d'une enquête qualitative par entretiens semi-directifs (60 entretiens) auprès de professionnels et de cadres de proximité de l'intervention sociale de 3 générations différentes (Moins de 30 ans, 31-50 ans, plus de 51 ans) dans une approche comparative entre deux terrains : l'Ile de France et Chicoutimi (Québec). Les questions que nous nous sommes posées étaient les suivantes : En quoi ces réformes participent-elles ou non à la structuration d’une « génération professionnelle » ? Se joue-t-il un écart de pratiques professionnelles, voire d’attitudes dans les activités de travail selon que l’on soit formé avant ou après la réforme du diplôme en France ou l’introduction des référentiels pour le cas québécois ? En quoi d’autres variables telles que la nouvelle gestion publique, introduite dans les organisations de travail, impacte-t-elle ces transformations des pratiques professionnelles et en quoi vient-elle se croiser avec les réformes de la formation préparant à la profession ? Cette recherche montre que les réformes et l’introduction des référentiels de compétences professionnels à eux seuls ne suffisent pas à expliquer les transformations des pratiques. Les effets générationnels sous leurs différentes dimensions : 1) rapport au travail, 2) systèmes de références à inscrire dans une période donnée, 3) effets d’âge ou de cycle de vie, constituent des variables à prendre en considération et à croiser avec les réformes telles qu’elles sont vécues par les différents protagonistes de l’intervention sociale. Il est également pris en compte leur perception de la nouvelle gestion publique (NGP) qui a conduit à de nouvelles normes de gestion affectant ainsi les organisations de travail.

16 h – 16h15 : Discussion Maryse Bresson, Professeure de sociologie à L’université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, France, Présidente du CR 34 de l’AISLF  

16h 15 – 17h : Echanges avec la salle  

Animation séminaire : Françoise Tschopp, Professeure émérite Haute Ecole en travail social, HES-SO, Genève (Suisse)

Références

BELLOT Céline, BRESSON Maryse, JETTÉ Christian (dir.), (2013), Le travail social et la nouvelle gestion publique, Québec, Presses de l’Université du Québec, Col. Problèmes sociaux et interventions sociales.

BOURDIEU Pierre, (2012), Sur l’État. Cours au Collège de France 1989-1992, Paris, Seuil / Raisons d’agir, Cours et travaux.

CASTEL Robert, HAROCHE Claudine, (2001), Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi. Entretiens sur la construction de l’individu moderne, Paris, Fayard. DEMAZIERE Didier, ROQUET Pascal, WITTORSKI Richard (dir.) (2012), La professionnalisation mise en objet, Paris, L’Harmattan, 282 p.

FOURDRIGNIER Marc, MOLINA Yvette, TSCHOPP Françoise (dir.), (2014), Dynamiques du travail social en pays francophones, IES éditions, Genève, 224 p.

GASPAR Jean-François, (2012), Tenir ! Les raisons d’être des travailleurs sociaux, Paris, La Découverte, Enquêtes de terrain.

GLINNE HARMONY, LATIERS Mélanie, (2016), « La charge psychosociale dans la relation de service de première ligne : limites du travail et régulation collective », Travail Emploi Formation, dossier « Les pratiques professionnelles à l'épreuve des transformations du secteur non marchand », dir : L. Melon, A. Bingen, M. Hamzaoui, n° 14/2016, p. 90-109. http://metices.ulb.ac.be/spip.php?article722

HUGHES Everett C., (1996) (1971), Le regard sociologique (textes rassemblés et présentés par CHAPOULIE Jean-Michel), Paris, Éd. de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.

MOLINA Yvette (2013), « Les recompositions des professionnalisations du travail social, approche internationale » in Hirlet Philippe, Meyer, Jean Louis, Molina Yvette, Muller Béatrice (dir.) - Travail social sans frontières : innovation et adaptation, Presses de l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP)

MOLINA Yvette (2016), « Les travailleurs sociaux des groupes professionnels en transformation » Etudes et Documents, 2- 2016, n° 7, Centre Maurice Halbwachs, 17 p.