Colloque Jugement Professionnel et prise de décision chez les intervenants sociaux

Colloque international

Université de Coimbra - Portugal

13 et 14 juin 2019

Appel à communications :

Dans la littérature sur l’intervention sociale, les approches centrées sur la réflexivité, la décision et la stratégie gagnent de plus en plus en reconnaissance et en pertinence. Aujourd’hui les intervenants sociaux doivent penser leur action dans de nouveaux contextes organisationnels, de nouvelles contraintes politiques, mais aussi à l’endroit de nouveaux publics autrement avisés. Dans ces conditions, les intervenants sociaux sont amenés à réexaminer leur façon d’appréhender, d’évaluer et de répondre aux situations et aux problèmes de leurs publics, ainsi que les compétences qu’ils sont à même de mobiliser. De leur côté les organismes d’action sociale mettent aujourd’hui l'accent sur la concrétisation d’indicateurs de performance et d’efficacité conçus d’après des audits et des procédures d'évaluation. Dans ce cadre, les décisions que doivent prendre les intervenants sociaux ont à tenir compte de ces changements introduits dans l’exercice professionnel. Ainsi, ils se voient-ils enjoindre de procéder selon des critères renouvelés, notamment ce qu’on appelle dans le contexte anglo-saxon l’evidence-based practice. Il s’agit en l’occurrence de référer la décision à des standards prédéfinis issus des « meilleures preuves » données par la recherche scientifique et l’expérience clinique. Ce qui peut entraîner l’affaiblissement de la part singulière de l’intervenant social, autrement dit sa discrétionnarité professionnelle. Cela, dans le but affiché d’accroître l’efficacité de son intervention.

Mais qu’est-ce qu’être efficace dans le domaine de l’intervention sociale ? Est-ce satisfaire aux attentes standardisées des organismes ? Est-ce répondre au mieux à celles des destinataires de l’intervention ? Ou, encore, contribuer à l’optimisation de la réponse administrativo-politique (en réduisant la demande d’intervention, en augmentant la confiance dans la réponse, en ajustant l’intervention aux attentes du public, etc.) ?

Quelle que soit la manière dont il sera répondu à ces questions, l’intervenant social est amené dans tous les cas à composer avec des types de contrainte de nature très différenciée. La contrainte des « évidences » : souvent construites hors de son champ direct d’intervention mais s’y appliquant spécifiquement, elles sont conçues et reçues sous le label de la science (indicateurs de tendance, indices divers d’opérativité, coefficients d’efficacité, etc.) et présentent un caractère apodictique. Celle du public destinataire dont le profil s’est largement complexifié sur les plans sociaux et culturels. Partant, l’intervenant social est, lui aussi, tenu de s’adapter aux caractéristiques de son public. Celle encore, managériale, que lui oppose son organisme d’appartenance. Et, enfin, toutes celles qui subsistent à titre de composantes générales de l’action en société : pluralité des convictions éthiques et des options politiques, intrusion des sentiments et des émotions, mais aussi, relativité des savoirs et des savoir-faire, des capacités d’adaptation et de cognition, etc. Cette situation particulière de l’intervenant social – qui est d’ailleurs partagée par nombre d’autres professions – mérite d’être interrogée, analysée et appréciée au regard des caractéristiques contemporaines de nos sociétés, notamment de leur propension à « technologiser » l’action en société.

Ainsi, on pourra poursuivre le débat portant sur ces fameuses evidence based practices. Questionner la valeur intrinsèque des indicateurs produits et utilisés. S’interroger sur leurs conditions de validité quand ils sont appliqués dans le champ de l’intervention sociale. Apprécier le degré de liberté dont dispose l’intervenant social dans leur utilisation. Bref, faire l’inventaire des gains et des pertes du côté du savoir-faire professionnel.

Ce qui rouvrira, à nouveaux frais peut-on penser, le questionnement sur l’éthique appliquée par l’intervenant social. S’il lui revient toujours selon la définition convenue adoptée à Melbourne par IASSW en 2014 de promouvoir « le changement et le développement social, la cohésion sociale, le pouvoir d’agir et la libération des personnes », la question des moyens ou des modalités qu’il doit mettre en œuvre, des domaines qu’il doit investir et des limites qu’il ne saurait franchir, reste une question que la technologisation de l’action en société n’a nullement dépassée.

Mais, plus avant, il reste encore à clarifier quel type de rationalité se trouve ainsi engagée dans la pratique d’intervention sociale, quelles sont les « bonnes raisons » que vont pouvoir invoquer les intervenants sociaux dans leur pratique professionnelle, particulièrement lors de leurs prises de décision à l’endroit de leurs publics ? Comment composent-ils leur jugement à l’intérieur de cet ensemble de contraintes ? En d’autres termes, il importe de recentrer l’attention sur les dimensions réflexives et stratégiques qui se trouvent ici en jeu et qui interviennent comme éléments structurants dans les processus de jugement professionnel aux différents niveaux de décision. C’est la place que tient la réflexivité dans ces processus qui est ici à envisager : joue-t-elle toujours un rôle actif ? Configure-t-elle encore et comment tant la connaissance requise que la « sagesse » de la pratique professionnelle.

C’est pourquoi le colloque poursuivra les objectifs suivants :

  • réfléchir aux impacts possibles des orientations managériales, d'évaluation et de gestion, sur les modalités pratiques de l’intervention, sur les domaines de savoirs mobilisés et sur la production d’une connaissance « indigène ».
  • identifier la façon dont les processus de prise de décision sont, ou non, fondés sur des « évidences » et ancrés, ou non, dans le savoir construit par la pratique réflexive.
  • discuter la manière dont les intervenants sociaux construisent leur jugement professionnel.
  • comprendre et discuter la place occupée par la « subjectivité » du professionnel dans la prise de décision. 

Dans ce but, outre les conférences plénières qui porteront sur ces thèmes, trois ateliers d’échange et de réflexion seront organisés sous trois rubriques d’accès mais aussi avec des dominantes linguistiques (portugais/français), sachant qu’il est souhaitable, pour permettre la compréhension du plus grand nombre, que les communications faites dans une langue soient accompagnées d’un powerpoint didactique dans l’autre langue du colloque.

Atelier 1 « Le jugement professionnel à l’épreuve de la norme d’autonomie » : centré sur l’autonomie de la décision et du jugement de l’intervenant social. Les questions de normes, de valeurs, de procédures, etc., engagées dans le jugement professionnel, devraient y trouver leur place. Langue dominante : le français.

Atelier 2 « Justice, Justesse et confits éthiques dans la prise de décision et le jugement Professionnel » : centré sur l’éthique pratique de l’intervenant social. Les conflits de valeurs portées par les intervenants, ceux rencontrés avec leur public, l’analyse et la compréhension des finalités de l’intervention sociale, la justesse de ses moyens et procédures, la perception et la mesure des effets de l’intervention, etc., sont les approches qui pourront y être présentées. Langue dominante : le portugais.

Atelier 3 « La dimension personnelle et affective dans le jugement et la sagesse professionnelle » : centré sur la subjectivité de l’intervenant social. La rationalité poursuivie dans le jugement et la décision de l’intervenant social n’écarte ni les affects ni la subjectivité dont il ne peut se départir. Elle ne saurait non plus être purement procédurale et bannir toute forme d’intuition, de ressenti ou d’expérience cristallisée. Le rôle et la place de ces substrats subjectifs dans la décision professionnelle seront l’objet de cet atelier. Langue dominante : le français.

Programme

Durée du Colloque : Deux journées, les 13 et 14 juin 2019, précédées d’une journée de Workshops à l’adresse des travailleurs sociaux sur le thème du colloque.

La 1e Journée :

- 2 conférences plénières introductives (1 Portugais, 1 francophone)

- 1 table ronde sur le thème de la prise de décision

- Les ateliers (en fonction des propositions reçues et sélectionnées)

La 2e journée :

- Poursuite des ateliers

- 1 table ronde sur le thème de la justesse du jugement professionnel

- 1 conférence de clôture

Calendrier :

Pour le 15 janvier 2019 : envoi des propositions de communication. Un résumé de 2000 mots maximum précisant l’atelier d’inscription, le nom, le titre, l’institution de rattachement et l’adresse électronique du proposant sont à envoyer pour cette date à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Le 15 mars 2019 au plus tard : réponse du comité scientifique du colloque

Le 15 mai 2019 : élaboration du programme définitif du colloque, répartition par atelier

Les 13 et 14 juin 2019 : tenue du colloque dans les locaux de la Faculté de Psychologie et de Sciences de l’Éducation de l’Université de Coimbra.